
Voilà quelques années qu’Anh Tuyet facilite nos échanges, avec ses qualités de traductrice. Elle répond aujourd’hui à un autre exercice pas toujours très simple : celui de dresser son portrait. Et elle se prête au jeu tout en honnêteté et en poésie. Merci Anh Tuyet.
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ? Nous parler de votre parcours ?
À vrai dire, vos questions m’ont fait remonter le fil de ma vie, une démarche que je n’avais jamais entreprise avant. Ouf, plus de 60 ans déjà et j’ai l’impression que cette résilience en moi demeure toujours intacte.
Je suis orpheline de père à 5 ans, puis de mère à 17, alors même que le Vietnam était dans une période tourmentée et bouleversante. Heureusement, dès mon plus jeune âge, j’ai eu le privilège de recevoir une éducation riche, autant sur le plan familial que scolaire, dispensée par les sœurs du Couvent des Oiseaux de Saigon, appelé Regina Mundi. Leur enseignement m’a insufflé les fondations essentielles d’un développement équilibré, une véritable ouverture à l’autre, ainsi qu’un profond sentiment d’autonomie. Ces qualités m’ont permis de surmonter nombre d’épreuves et de rester fidèle à mes valeurs face aux difficultés de la vie.
Portée par une solidarité familiale ancrée en moi, j’ai toujours ressenti l’élan de m’investir dans des activités à vocation sociale. Mais mon parcours professionnel en a souvent décidé autrement. C’est seulement à partir de 2005, parallèlement à mes fonctions d’entrepreneure, et sans formation préalable dans l’interprétariat, que j’ai commencé à offrir mes services aux associations œuvrant dans le domaine de la santé. J’assurais la logistique et la traduction lors de missions de médecins et pédiatres français venus proposer des formations en néonatologie. Depuis 2015, toujours dans une démarche d’auto-apprentissage sur le terrain, je travaille comme traductrice pour les volontaires et thérapeutes de l’École de Psychologues Praticiens (EPP). À travers ce parcours, j’ai toujours eu la conviction que l’éducation et l’accompagnement bienveillant des adultes constituaient une ressource précieuse à chaque étape de la vie d’un enfant. Dès que l’occasion se présente, j’essaie d’y apporter ma modeste contribution, guidée par cette image métaphorique que je chéris, celle de toutes les mains réunies pour entourer le chemin d’un enfant.
Comment avez-vous connu Planète Enfants & Développement ?
Le coordinateur de l’antenne de l’EPP au Vietnam m’a mis en relation avec Planète Enfants & Développement. J’éprouve une profonde admiration pour l’engagement et le dévouement de votre équipe pour la petite enfance et la protection de l’enfant au Vietnam. Face à la course effrénée vers une modernité matérialiste que poursuit aujourd’hui le Vietnam et particulièrement la ville d’Ho Chi Minh. Il est réconfortant de voir que ces jeunes ont choisi le métier de travailleur social, en quête non pas d’assistance ponctuelle mais d’outils d’émancipation durable pour les plus démunis. Cela m’insuffle l’espoir et me pousse à vouloir faire partie de cette dynamique constructive, à travers mon rôle de traductrice.
Quel est votre rôle au sein de l’association ? Et qu’est-ce qui vous rend la plus fière dans votre travail ?
Être passeuse de savoirs, messagère des échanges interculturels, voilà une fonction que j’exerce toujours avec joie. Consciente que je ne suis ni remplaçante ni actrice principale, j’apprécie ma place en coulisses, veillant à préserver l’authenticité de chaque échange. Ma boussole intérieure reste toujours de restituer les traductions avec une fidélité presque parfaite aux tons, aux gestes et aux intentions des interlocuteurs. Mais tout cela ne serait possible sans l’engagement de chacun dans le dialogue. Je ne suis qu’un miroir, un modeste lien entre les personnes.
Ce qui me rend la plus fière ? Ces instants suspendus où les rires fusent des deux côtés, où les regards s’illuminent de compréhension, où les hochements de tête viennent valider le sentiment d’une transmission fidèle. C’est là que je sais que j’ai rempli ce rôle.
Est-ce que vous avez un moment marquant, une anecdote à nous partager ?
Chaque traduction est une histoire. Mais si je devais retenir un moment, ce serait sans doute celui où je me suis retrouvée, presque sans le vouloir, à revivre ma propre histoire en répondant à vos questions. Cette introspection m’a rappelé à quel point les chemins de vie sont faits de rencontres, d’épreuves et de mains tendues. Et que, parfois, le simple fait d’être là, à l’écoute, peut avoir du sens.