Louise Ripert, chargée de recherche pour Planète Enfants & Développement, réalise actuellement une étude dans 4 quartiers en périphérie de Phnom Penh. L’objectif : comprendre aux côtés des habitants leurs usages dans ces quartiers et leurs besoins en termes d’aménagement de l’espace.
Coup de projecteur avec Louise sur un outil original : les balades urbaines.
Une balade urbaine, c’est quoi ?
Une balade urbaine, c’est une visite d’un quartier avec ses habitants. La marche, qui met les gens en mouvement, libère la parole. Tout le monde peut y participer, y compris des personnes analphabètes ou des enfants. Nous avons ainsi réalisé 7 balades urbaines ces dernières semaines avec des groupes de 2 habitants (dont 2 balades avec des adolescents). L’objectif était de nous emmener dans une liste de lieux prédéfinie : un endroit où ils aiment aller avec leurs amis, un dont ils sont fiers, un qu’ils trouvent beau, mais aussi un dont ils ont peur la nuit ou qui a subi des inondations, etc. L’un prend des photos, tandis que l’autre remplit une fiche d’informations avec l’aide du facilitateur.
Quel est l’intérêt de ces balades urbaines avec les habitants ?
Avec ces balades, il s’agit de comprendre le fonctionnement des lieux de vie communs. A partir de leurs usages individuels et collectifs, le but est d’identifier ensemble les espaces qu’ils se sont appropriés. Il s’agit également d’entendre ce que les habitants aimeraient voir évoluer.
Les balades urbaines s’inscrivent dans une démarche plus globale dite de « recherche-action ». Il s’agit, à travers cette étude urbaine, de croiser diverses données (géographiques, historiques, sociales, économiques, environnementales, de mobilité, d’habitat, etc.) pour mettre en valeur les ressources existantes (matérielles et immatérielles) et identifier collectivement un plan d’action concret en termes d’infrastructures urbaines. Ce dernier est proposé par les habitants suite à l’identification des espaces peu agréables pour eux, qu’ils veulent voir améliorer.
Pourquoi réaliser un diagnostic urbain en périphérie de Phnom Penh ?
Nous travaillons depuis 2018 dans les quartiers précaires de Phnom Penh (projet HaLI). En 2022, nous avons entamé une 2e phase du projet dans 4 nouveaux quartiers à 20km du centre-ville. Ces quartiers rassemblent environ 2 000 habitants expulsés du centre et relocalisés dans ces zones en 2005 et 2006. Mais avant d’entamer des projets d’aménagement de ces quartiers, il est indispensable de mieux comprendre leurs problématiques urbaines. Nous avons donc démarré le diagnostic urbain en mars en élaborant la méthodologie de l’étude, puis nous avons collecté les données en mai, juin et juillet.
Peux-tu nous dire plus précisément quelles sont les étapes du diagnostic urbain dans le cadre du projet HaLI ?
Tout d’abord, un questionnaire individuel quantitatif, élaboré en collaboration avec un collègue khmer, devrait être mené auprès d’un échantillon représentatif de la population. Il est complété par des entretiens individuels qualitatifs avec d’autres ONG, partenaires locaux, chefs de village et experts de la question des communautés précaires à Phnom Penh.
Nous avons aussi mené 3 grands ateliers avec près de 40 habitants. Tout d’abord, nous avons réalisé ensemble une frise chronologique de leur histoire commune dans le quartier : l’arrivée d’une route, le raccordement à l’eau, les grandes fêtes mais aussi les grandes inondations, l’écroulement d’un pont etc. Ensuite, ils ont construit une carte sociale. Après avoir identifié les principaux groupes sociaux (avec des caractéristiques et intérêts communs) comme les petits commerçants, les chauffeurs de tuk-tuk ou les enfants, ils ont pu qualifier et détailler les relations entre ces groupes. Le but : comprendre si l’aménagement de l’espace peut créer du lien entre différents groupes, ou bien éviter des conflits plus importants. Puis, nous avons continué avec les balades urbaines.
Enfin, nous avons mené un atelier pour réaliser le plan d’action à partir d’arbres à problèmes et à solutions. Après avoir identifié lors des balades urbaines 12 espaces peu désirés par les habitants (comme une décharge à ciel ouvert), les participants ont identifiés les causes du problème sur les racines de l’arbre (pas assez de poubelles, manque de sensibilisation sur les enjeux environnementaux) et les conséquences sur les branches de l’arbre (problèmes de pollution, de santé). Avec la réalisation de l’arbre à solutions, les habitants ont réfléchi et formulé des propositions concrètes pour améliorer l’aménagement de ces espaces (poubelles collectives).
Je vais désormais profiter de l’été pour faire l’analyse de toutes les données récoltées afin de rédiger un profil par communauté ainsi qu’une liste de propositions concrètes d’équipements urbains que Planète Enfants & Développement peut financer sous forme de micro-projets. Nous ferons la restitution de ce travail aux habitants et aux autorités locales à l’automne. Puis nous recommencerons un diagnostic urbain avec les 4 nouvelles communautés identifiées dès septembre !
> En savoir plus sur le projet HaLI pour améliorer les conditions de vie des familles dans les quartiers précaires de Phnom Penh au Cambodge