Terreur quotidienne, culpabilité, baisse de l’estime de soi, sentiment de ne pas être un bon parent…A l’occasion de son intervention mardi 18 octobre dernier lors de notre séminaire Petite Enfance, Stéphanie Hogrel – psychologue dans la protection de l’enfance – nous a expliqué la difficulté d’assurer la protection et son rôle d’éducateur lorsque l’on est un parent victime de violence conjugale et les effets sur l’enfant.
« Dans la violence, il y a toujours un rapport de domination »
Qu’elle soit physique, psychologique, sexuelle ou sous forme de surveillance électronique, on parle de violence conjugale au sein du couple quand s’installe un climat de violence quotidien et qu’au fil du temps, le violent a une véritable emprise sur la victime, avec une volonté de contrôler l’autre.
« Les victimes perdent confiance en elles »
Progressivement, la victime de violence conjugale perd confiance en elle, jusqu’à perdre toute estime d’elle-même. Elle va mettre en place des stratégies de défense comme ce que l’on appelle la dissociation. Autrement dit, elle anesthésie ses sentiments pour se protéger et devient actrice de ce qu’elle vit. La victime a tendance à s’isoler.
« Le parent victime de violence devient moins attentif à son enfant »
On parle de parentalité empêchée. Même si elle souhaite protéger son enfant, la victime de violence conjugale en perd la capacité peu à peu. Souvent sidérée, déconnectée de ses propres émotions, vigilante aux moindres réactions du conjoint, elle perd en attention et protection vis-à-vis de son enfant.
« L’enfant est aussi une victime »
Depuis environ un an, l’enfant qui évolue dans un climat de violence conjugale n’est plus considéré par la loi comme « exposé » ou « témoin », mais bien comme victime.
Dans le ventre déjà, l’enfant ressent le stress de sa mère. Tout bébé, l’enfant apprend par ses 5 sens. Il ne comprend pas mais il entend les cris, il ressent les coups… Même quand il dort, l’enfant ressent son environnement. Un climat violent fait augmenter l’hormone du stress chez l’enfant. Tout bébé, il peut déjà devenir hyper-tendu et agité.
« Le cumul de symptômes doit interroger »
Il existe un outil, l’échelle Alarme Détresse Bébé (ADBB) de A. Guedeney pour aider les professionnels qui accompagnent familles et enfants à évaluer les comportements de retrait émotionnel chez l’enfant de moins de 2 ans.
Pris isolément, certains troubles observés chez l’enfant ne doivent bien sûr pas mener à la conclusion qu’il évolue dans un climat de violence conjugale. Fort heureusement. Mais le cumul de symptômes doit interroger.
Un bébé peut faire beaucoup d’otites pour ne plus entendre, développer de l’eczéma pour construire une barrière avec l’extérieur, rester éveiller en permanence pour contrôler ce qui se passe autour de lui… Un enfant entre 2 et 4 ans peut refuser de jouer dans la cour de récréation et s’isoler. Un enfant entre 4 et 10 ans peut développer une grande agitation, ne répondre à la frustration que par la violence, perdre confiance en l’adulte …
On observe que de nombreux enfants victimes de violence au sein du foyer deviennent « enfant-parent » : en grandissant, un sentiment de culpabilité prend place, la priorité de l’enfant est d’aider pour faire baisser la violence, s’occuper de la fratrie voire de ses parents…
« Quand le puzzle est dans le désordre, les mots aident à remettre le puzzle en place »
La communication avec l’enfant qui présente des symptômes est essentielle. Plus les situations inacceptables sont nommées, plus elles prennent réalité et sont évaluées comme anormales par l’enfant. Il est ensuite important de déculpabiliser l’enfant et de mettre en place un accompagnement pour le parent et l’enfant victimes de violences.