Parentalité et travail : un quotidien sous pression au Cambodge. Par Sothearos Khun

20 Jun, 2025
Sothearos, superviseuse de crèches au Cambodge

Au Cambodge, l’industrie de l’habillement emploie principalement des femmes : elles représentent près de 80% des effectifs dans les usines. La quasi-totalité d’entre elles a moins de 35 ans et élève de jeunes enfants. Entre longues journées de travail, trajets fatigants et manque de solutions de garde, leur quotidien est un véritable défi. 

Comment concilier parentalité et travail : Sothearos Khun, l’une de nos superviseuses de crèches au Cambodge témoigne de cette situation.

Ouvrières des usines textiles au Cambodge

Sothearos, c’est quoi être mère et ouvrière aujourd’hui à Phnom Penh ?

C’est avoir de longues journées et pas toujours l’esprit tranquille !
Dans les usines textiles, on travaille normalement de 7h à 16h. Mais pour faire face aux fortes demandes, beaucoup de travailleuses acceptent de rester jusqu’à 18h. Comme ces heures supplémentaires sont payées entre 1,5 à 2 fois le salaire horaire, cela leur permet d’augmenter leur revenu mensuel qui passe de 208 dollars (salaire minimum) à environ 300 dollars.
Et il faut partir tôt le matin. Les femmes qui n’habitent pas à côté de l’usine s’y rendent dans des camions qui leur coûtent 7 à 12 dollars par mois. Ces trajets réduisent aussi le temps passé avec les enfants.

Une maman avec son bébé dans l'une de nos crèches au Cambodge

Tu nous parles beaucoup des mères. Quel est le rôle des pères au quotidien ?

Ce sont encore surtout les mères qui s’occupent des enfants. Elles assurent la plupart des tâches liées à l’alimentation, à la santé et à l’éducation des enfants.
Dans les zones rurales, peu d’hommes sont présents pour aider, car eux aussi partent travailler en ville ou exercent des métiers très prenants (chantier, mécanique, vente ambulante…). Mais dans les crèches que nous avons ouvertes ces dernières années, on constate que les parents viennent souvent déposer leur enfant ensemble. Et le soir, dans 80% des cas, ce sont les pères qui viennent seuls le chercher, car les mères terminent plus tard le travail.

Une maman avec son bébé dans l'une de nos crèches au Cambodge

Les parents qui travaillent trouvent-ils facilement à faire garder leurs enfants ?

Trouver un lieu sûr, abordable et qui contribue à l’éveil des plus petits n’est toujours pas simple. Certains parents les confient à une grand-mère ou un membre de la famille à la maison, d’autres à des voisins qu’ils vont payer.
Au Cambodge, la loi du travail stipule que le congé maternité est de 3 mois. Certaines femmes doivent finalement démissionner à l’issue de ce congé car elles n’ont pas de solution pour la garde de leurs enfants.

Une maman avec son bébé dans l'une de nos crèches au Cambodge

Qu’est-ce qu’apportent les crèches ouvertes par Planète Enfants & Développement ces dernières années ?

Ces crèches ont changé la vie de beaucoup de parents. Les deux parents sont soutenus dans des pratiques parentales positives et peuvent aller travailler plus sereinement, ce qui améliore les revenus et le bien-être de la famille.

J’ai moi-même vécu l’expérience du questionnement pour concilier vie professionnelle et familiale quand j’ai déménagé à Phnom Penh. J’ai des jumeaux et je n’avais aucun membre de ma famille à proximité pour m’aider avec les enfants quand j’ai repris le travail. J’ai eu la chance de travailler sur ce projet de crèches. Quand j’ai trouvé ma nounou, je lui ai enseigné les astuces de notre programme de formation des auxiliaires Petite Enfance. J’ai également aménagé ma maison comme une crèche à domicile (avec quelques coins d’éveil, des protections pour la sécurité et des jouets adaptés à mes enfants). Cela m’a permis de continuer à travailler, à embrasser, à prendre mes enfants dans mes bras et à m’occuper d’eux après le travail chaque jour.

Ces parents trentenaires vous confient-ils ce qu’ils attendent ?

Oui, bien sûr, nous organisons des réunions pour qu’ils expriment leurs attentes. Globalement, ils recherchent la sécurité des enfants, une bonne hygiène, une alimentation saine, de voir que leurs enfants grandissent bien, et surtout, à un coût abordable. Ils recherchent la stabilité de l’emploi et ils craignent qu’une fermeture de crèche les oblige à choisir entre travail et garde des enfants.

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