La crise sanitaire sans précédent liée au Covid-19 va sans aucun doute affecter plus durement les pays dépendants de l’économie mondiale et les populations fragiles ou en situation d’exclusion. Petit tour d’horizon des risques en chaîne déjà identifiés.
L’impact du Covid-19 au Cambodge par exemple
390 millions de dollars : c’est la perte estimée au Cambodge par la Banque Asiatique de Développement. Le pays devrait connaître son pire taux de croissance depuis des décennies.
Le tourisme y est vital. Les visites des Chinois, clients principaux, ont tout d’abord chuté en janvier et février. Suivis par celles des Européens.
La fabrication de vêtements, première industrie du pays qui emploie 700 000 employés, subit également un coup d’arrêt. La Chine a tout d’abord ralenti, voire stoppé, ses livraisons en matières premières (60 % des approvisionnements viennent de Chine). Ensuite, les marques occidentales ont suspendu ou arrêté leurs achats. Selon le site Thediplomat.com, « près d’1/3 des usines sont obligées de fermer temporairement pendant plusieurs mois, affectant des centaines de milliers de travailleurs ». Le gouvernement cambodgien a déclaré qu’il compenserait 60 % du salaire minimum (à 190$/mois), mais ce ne sera pas suffisant pour faire vivre les familles de ces travailleurs, aussi coupé de la rémunération de leurs heures supplémentaires.
Par effet de cascade, si le pays ne produit pas, il ne sera pas en mesure d’exporter. Sans compter la fermeture des frontières de l’Europe et des Etats-Unis, premiers marchés clients du Cambodge.
Les zones rurales et l’agriculture ne seront pas épargnées par le Covid-19. Déjà durement touchées par une nouvelle année de sécheresse, de nombreuses familles ne recevront plus l’aide envoyée par les dizaines de milliers de travailleurs qui ont migré en ville pour travailler dans l’industrie textile.
Et comme le Cambodge a aussi fermé ses frontières, les prix des produits agricoles ont déjà commencé à chuter.
Si le gouvernement cambodgien annonce un plan de relance de 800 millions à 2 milliards de dollars (1/4 du budget de l’État), nous ne savons pas encore comment cette enveloppe sera répartie.
L’ODI (Overseas Development Institute) indique que le Vietnam, pays voisin, devrait également subir fortement l’impact économique de la crise. « L’Afrique subsaharienne pourrait également perdre jusqu’à 4 milliards de dollars d’exportations »
La vulnérabilité des plus pauvres, des femmes et des enfants face au Covid-19
L’ODI le rappelle, toutes les recommandations actuellement diffusées pour limiter la propagation du virus Covid-19 sont de réels défis pour les plus vulnérables. « La pauvreté peut alimenter la contagion, mais la contagion peut également créer ou aggraver l’appauvrissement. »
Sans capacité à se rendre au travail et sans assurance maladie ou chômage, quelles sont les sources de revenus ? Sans argent, comment acheter et stocker de la nourriture ? « Une étude de 11 pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud et du Sud-Est a révélé qu’en l’absence d’assurance maladie ou d’autres formes de couverture sanitaire universelle, […] les personnes vivant dans la pauvreté ou proches du seuil de pauvreté […] contractent des prêts auprès de prêteurs informels, parfois à des taux d’exploitation ».
Comment rester confiner chez soi quand l’on n’a pas de toit ou un logement insalubre dans un bidonville qui représente un danger au quotidien pour la famille ?
«Le logement est devenu la défense de première ligne contre le coronavirus. Le domicile a rarement été plus une situation de vie ou de mort », indique Leilani Farha, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à un logement convenable.
1,8 milliard de personnes : c’est le nombre de personnes sans-abri ou dans des logements précaires.
« En garantissant l’accès à des logements sûrs et à un assainissement adéquat, les États protégeront non seulement la vie de ceux qui sont sans abri ou vivant dans des établissements informels, mais aideront à protéger la population mondiale dans son ensemble en aplatissant la courbe du CV19 », a conclu l’expert de l’ONU.
Avec cette épidémie de Covid-19, les fillettes et les femmes sont encore plus exposées à la discrimination et à la violence. L’ONU Femmes nous rappelle qu’avec la fermeture des écoles, la prise en charge des enfants représente un travail supplémentaire pour de nombreuses femmes et filles dans beaucoup de pays. Cette entité des Nations Unies nous rappelle également que 70 % des travailleurs dans le secteur de la santé sont des femmes dans le monde. Elles sont donc exposées en première ligne.
Autre risque pour les femmes, les violences : violences domestiques accrues par un sentiment d’angoisse dans le foyer (insécurité alimentaire, financière, …), exploitation sexuelle pour pallier des pertes financières… dans un contexte où les hôpitaux sont accaparés par le traitement du virus et où les soins de santé sexuelle et les soutiens psycho-sociaux peuvent être délaissés.
Alors la prise en compte des besoins des populations les plus en difficultés est aujourd’hui vitale, pour elles, parce que les vies humaines n’ont pas de prix, et pour le monde entier, car le virus Covid-19 ne connaît pas les frontières.
10 avril 2020
Sources :
http://www.rfi.fr/en/wires/20200302-virus-hammers-garment-industries-cambodia-vietnam
https://thediplomat.com/2020/03/does-cambodias-coronavirus-bailout-really-add-up/
https://sggpnews.org.vn/international/cambodias-economy-to-lose-us390-million-worst-hit-in-asean-86216.html
https://www.odi.org/blogs/16639-economic-vulnerabilities-coronavirus-top-countries-risk
https://www.odi.org/blogs/16754-pandemics-poverty-implications-coronavirus-furthest-behind
https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=25727&fbclid=IwAR1L55qYDdYk4ad3eLVd8dHeQ4HAWJeKWjtoz4nnfWlxLjJxm2VK4F9sdHw
https://asiapacific.unwomen.org